- Les saintes voies de la Croix du Vénérable Mr H-M.Boudon : 9 septembre
LIVRE DEUXIÈME
CHAPITRE PREMIER
Les voies de la croix sont différentes
(...) Il y a des âmes à qui la peine ne fait presque plus de peine. Dans toutes ces voies différentes, il faut adorer, aimer, bénir, louer et remercier avec une soumission totale la disposition de la divine Providence, se donnant bien de garde de vouloir éplucher et examiner pourquoi Dieu conduit les uns d'une manière, et les autres d'une autre. L'esprit créé se perdrait dans cet abîme. Dieu est le maître absolu ; c'est à la créature à se tenir dans une entière dépendance de ses ordres, à les adorer et aimer, à garder un profond silence dans un dernier respect, et n'être pas si insolemment téméraire que de lui demander : Pourquoi le faites-vous ?
À bas l'esprit humain, à bas le raisonnement humain devant Dieu ! Autrement, c'est se faire une voie pour aller en enfer, pour y être damné éternellement avec les esprits diaboliques qui y sont pour leur superbe. Je ne dis pas que l'on puisse empêcher quantité de pensées qui viennent involontairement, mais il ne s'y faut pas arrêter avec détermination de la volonté.
Au reste, il y a des crucifiés que Dieu tire de l'opprobre de ce monde, et dont il justifie l'innocence sans épargner même les miracles pour ce sujet. Mais il y en a dont l'innocence demeure toujours opprimée, qui vivent et meurent dans leurs croix, qui même sont persécutés après leur mort.
Cela se voit en plusieurs saints, qui ont porté des peines intérieures durant toute leur vie, ou qui ont toujours été dans la calomnie, leur mémoire étant même combattue après leur mort. L'on peut dire à tout cela, que ceux-là sont plus heureux qui ont plus de conformité à Notre-Seigneur qui a toujours été dans la douleur, dans la pauvreté, dans le mépris, qui, étant l'innocence même, n'a pas été justifié, mais sur les accusations que l'on faisait de sa divine personne, a été jugé et condamné à toutes sortes de tribunaux ecclésiastiques et laïques, par les rois, par les gouverneurs de provinces, par le grand-prêtre, par les pontifes et les docteurs de la loi ; qui n'a voulu faire aucun miracle en la croix pour se justifier, quoiqu'on lui dit qu'on croirait en lui, sil en faisait ; qui n'en a point voulu faire pour tirer sa très sainte Mère, et saint Joseph, de leurs pauvreté et afflictions.
À la vérité, il en fait plusieurs pour le soulagement de quantité de saints : mais il n'en a pas usé de la sorte à l'égard de sa divine personne, de celle de sa sainte Mère, de saint Joseph, de saint Jean-Baptiste, qu'il a laissés dans une conduite ordinaire pour les biens de la vie. Il a de plus voulu, ce Dieu-Homme, après sa mort, et au milieu de ses triomphes, souffrir encore par les péchés des Chrétiens, par l'erreur des hérétiques, par l'infidélité des Turcs et des païens : il a exposé son corps à des ignominies effroyables dans le très saint sacrement, n'y faisant voir aux sens autre chose qu'une apparence du pain ; il souffre d'être blasphémé tous les jours, méprisé, contredit, rebuté, chassé de l'esprit, du cur, et extérieurement de tant de provinces et royaumes, dont l'hérésie a banni la divine Eucharistie.