Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales 16 mai
CHAPITRE XVI
Comme l'amour se pratique en l'espérance
Je l'ai aimé, et parce qu'il m'était absent, je l'ai désiré, et d'autant que j'ai su qu'il se voulait donner à moi, je l'ai derechef plus ardemment aimé et désiré; car aussi sa bonté est d'autant plus aimable et désirable, quelle est disposée à se communiquer.
Or, par ce progrès, l'amour a converti son désir en espérance, prétention et attente, si que l'espérance est un amour attendant et prétendant. Et parce que le bien souverain que l'espérance attend, c'est Dieu, et qu'elle ne l'attend aussi que de Dieu même auquel et par lequel elle espère et aspire, cette sainte vertu despérance, aboutissant de toutes parts à Dieu, est par conséquent une vertu divine ou théologique.
CHAPITRE XVII
Que l'amour d'espérance est fort bon, quoique imparfait
L'amour que nous pratiquons en l'espérance, Théotime, va certes à Dieu, ruais il retourne, à nous; il a son regard (son but, son objet) en la divine bonté, mais il a de l'égard à notre utilité; il tend à cette suprême perfection, mais il prétend notre satisfaction, c'est-à-dire, il ne nous porte pas en Dieu, parce que Dieu est souverainement bon eu soi-même, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous-mêmes, où, comme vous voyez, il y a du nôtre et de nous-mêmes.
Et partant, cet amour est voirement (à la vérité) amour, mais amour de convoitise et intéressé. Je ne dis pas toutefois qu'il revienne tellement à nous, qu'il nous fasse aimer Dieu seulement pour l'amour de nous. O Dieu, nenni car l'âme qui n'aimerait Dieu que pour l'amour d'elle-même, établissant la fin de l'amour qu'elle porte à Dieu en sa propre commodité, hélas! elle commettrait un extrême sacrilège.
Si une femme n'aimait son mari que pour l'amour de son valet, elle aimerait son mari en valet, et son valet en mari, L'âme aussi qui n'aime Dieu que pour l'amour delle-même, elle s'aime comme elle devrait aimer Dieu, et elle aime Dieu comme elle se devrait aimer elle-même.
Mais il y a bien de la différence entre cette parole: J'aime Dieu pour le bien que j'en attends, et celle-ci : Je n'aime Dieu que pour le bien que j'en attends.
Comme aussi c'est chose bien diverse de dire: J'aime Dieu pour moi, et dire: J'aime Dieu pour l'amour de moi; quand je dis: J'aime Dieu pour moi, c'est comme si je disais:J'aime avoir Dieu, j'aime que Dieu soit à moi, qu'il soit mon souverain bien, qui est une sainte affection de l'épouse céleste, laquelle cent fois proteste par excès de complaisance :
Mon bien-aimé est tout mien, et moi je suis toute sienne, il est à moi, et je suis à lui. Mais dire : J'aime Dieu pour l'amour de moi-même, c'est comme qui dirait : L'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'aime Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dépendant, subalterne et inférieur à l'amour propre que nous avons envers nous-mêmes, qui est une impiété non pareille.